Poésie is glamour - 21 octobre 2009 - Charleville Mézières

Prendre une seule soirée pour entrer dans l’esprit de la poésie, c’est peu. Donc il faut bien choisir ce qu’on met dans cette soirée. Les poètes sont pour moi de vieux amis que j’ai un peu, voire beaucoup oubliés. J’ai bien connu ceux d’autrefois, mais il n’y a que peu d’années que j’apprends à découvrir ceux d’aujourd’hui. J’avance à petits pas. Je me convaincs tout doucement qu’ils valent bien ceux d’hier, et je me laisse porter.Ce temps de poésie sera pris sur une semaine de dépaysement et de musique.

Après un long mardi de route, une étape chez des amis dans l’Aisne, je lève les voiles dans la matinée du mercredi 21 octobre pour les Ardennes françaises, curieux de cette ouverture de semaine dédiée aux mots.

Après un périple aussi impatient que fatiguant, sonne l’heure d’arriver au Musée de l’Ardenne, lieu de la soirée attendue !

Quand commence la première partie, je me donne même la largeur de vue nécessaire pour essayer de comprendre et d’apprécier ce que disent les deux jeunes artistes qui viennent offrir le fruit de leur inspiration. On aime ... ou pas...

« Poésie is glamour ».

Le cadre dans lequel viennent d’entrer les trois artistes que j’attendais est surprenant, presque déconcertant : j’aime ça ! Un palais du XVII°, une salle d’archéologie dans un musée, un mélange de temps, d’époques, de genres, comme parmi ceux qui sont là. Il y a des os, des objets, des inscriptions. De tous les temps. Tout ce qui est sorti de la mémoire enfouie de l’humanité, et que les mots vont faire revivre. Rester un moment assis là, regarder les gens, les choses, sentir l’ambiance. Tout s’annonce à mon goût. Une première image s’impose : dans la conjonction de tous ces temps, il n’y a pas de milieu, et il faut s’attendre à tout.

Dans cette triade inattendue qui se tient là devant nous, il y a beaucoup de beauté. Il y a plusieurs âges, mais une harmonie sensible qui n’échappe à personne dès qu’ils prennent place. Enfin qui ne m’échappe pas. Dans leur présence, quelque chose passe, et c’est assez fort. Deux visages nouveaux pour moi. Manu Trudel, un type qu’on m’a décrit comme inclassable, inspirant, inspiré, et dont les mots m’ont déjà et souvent accroché. Jean-Paul Daoust, un charisme perceptible, qui a dans le geste quelque chose de précieux, et aussi d’attachant, un port de maître de cérémonie, qui sait faire converger les regards. Il en joue, et manifestement il peut se le permettre. La troisième, Fabiola, a su jusqu’ici m’indiquer les bonnes voix pour entrer dans les mondes parallèles au mien, et m’y faire sentir chez moi.

Le poète alors prend la parole, et dans un texte fluide, trace le portrait du « dandy », délicieusement suranné, comme on s’y attendait, conforme à l’image qu’il renvoie. Il est soigné et intemporel, il parle à la troisième personne du singulier, mais comme devant un miroir, il prend le contre pied du dandy d’Oscar Wilde, il est brillant, singulier, à peine décalé, juste assez. Il en dresse un portrait quasi aristocratique, actuel aussi, qui se reflète finalement à nos yeux. Ca commence vraiment bien, c’est fort !

Avec une telle voix, on peut tout dire. Tous les mots qui vont passer la barrière de ces lèvres-là sont au dessus des degrés et des catégories trop faciles, au dessus des mauvais jugements, mots insensibles aux préjugés. Du mot le plus noble au mot le plus vil, il y a un poids de vérité qui nous remet à nos justes places. Il y a dans ces mots quelque chose de religieux, au sens de créateur de lien.
Après les mots s’enchaînent les notes… « Nous sommes tous morts à vingt ans »… Il y a beaucoup à apprendre ici ce soir, pour contribuer à bâtir une humanité tolérante et libre.

Aucune conviction ne peut en être heurtée, si l’on prend avant tout le temps de s’écouter, et la patience de se comprendre pour s’accepter. C’est valable dans bien des circonstances de la vie, et ce poète-là le dit. Et il le dit bien.

Parmi les grands moments de cette soirée, vint cette litanie labiale pleine de subtilité et de finesse, qui parlait forcément à chacun, à un moment ou un autre, et nous a presque laissé sur notre faim. Que de lèvres, que de mots. Ce texte à géométrie variable est si envoûtant que, à deux jours de sa fête (le 19 octobre), on pardonne à Monsieur Daoust « les lèvres barbecue de Jean de Brébeuf », pour retenir « les lèvres inoubliables de ma mère », ou « mes lèvres mortelles ». Cette litanie-là nous avale, tout rond. S’il me restait un doute sur la filiation de cet homme avec les grands poètes d’hier et d’avant-hier, le doute est dissipé.

Je pourrais bien repasser ici presque tout le programme de cette soirée. C’est dire s’il était limpide, comme coulant d’une source : je m’en souviens ! Mais justement il faut aussi laisser un peu de place au souvenir, et à l’interprétation.

Je ne peux cependant pas passer sous silence un autre texte qui remue les tripes, physiquement, jusqu’à donner la nausée. Un texte posé sur un regard d’enfant, qui n’arrive pas à voir, dans l’abjection au fond de laquelle son bourreau est tombé, autre chose que l’humanité qui ne s’éteint jamais dans la bête qu’un homme peut devenir. Un texte tellement intériorisé que l’on n’arrive pas à penser une réponse, un texte dit sur le mode thérapeutique, un texte factuel, dont on voudrait détourner le regard. Un texte qui certainement n’est que reflet d’une présence au travers de laquelle d’autres sont évoquées, un texte qui est une voix, n’est qu’une voix, peut-être.

Après ce moment dur, j’avais la gorge trop nouée pour dire ma petite phrase comme il fallait. Pourtant je l’aimais ma phrase ! Alors je la rattrape ici « où des poèmes magnifiques continuent de fleurir ».

Il faut se fixer des limites, et donc arrêter là. Le reste se range au rang des souvenirs que j’espère pouvoir garder longtemps. Merci à celles qui m’ont convaincu (peut-être sans le savoir d’ailleurs) de faire cette expérience renversante de télescopage des mondes. Entre ce soir-là et aujourd’hui, j’ai réussi à me procurer un recueil de textes de Mr. Daoust, Cobra et Colibri (Ed° du Noroît, Montréal, 2006). Je termine donc sur une citation empruntée

Merci Yvan pour tes impressions très inspirantes!!!

Hé oui des kilomètres parcourus pour la poésie!... A bien y regarder, j'pourrais "dévorer des kilomètres" comme Mr Gilles Vigneault autant que je dévore les mots...

Si on était à cette soirée, c'est qu'il y'avait une raison, et cette raison je la connais! Elle danse au creux de mes mots...

Elodie

Merci Yvan, impossible d'ajouter quoi que ce soit à ton commentaire, si ce n'est que je suis content de t'avoir croisé ainsi qu'Elodie à Charleville.




Jean Paul, yé beau
Tout l'monde en veut un morceau
JAn ian ian iaaaaaaaaanean

Dany

Tu as bien raison Dany, rien à ajouter, tout est si bien dit

Ben moé j'ai envie d'imaginer un condensé! ça s'peut?!! lol

Allez j'rigole, j'reviens d'ici bientôt, j'ai pas encore atterri en fait! J'suis partie dans "le hamac dans les voiles" de Félix Leclerc, Manon Brunet et tant d'autres, j'ai pu l'temps d'écrire, une vraie fourgale hahaha!!!!!!

biz!!! Elodie

Merci pour la photo Dany ; c'était couru qu'un jour on allait se croiser Ciao !

Merci bien Yvan pour le résumé de ce spectacle auquel je n'ai pas pu assister, ça m'a fait ma lecture de chevet d'hier soir mais aujourd'hui c'est moins drôle puisque je dois réviser mon cours d'économie... Mais bon faut bien le faire

J'devrais pas tarder à vous ramener un peu de lecture!...Oui, j'ai dit un peu!!!!! (riez braves gens )

Juste le temps que j'réaprenne à m'poser un peu mieux qu'ça!!...
J'arrête pas d'courir ces derniers temps! courir dans mes pensées!....


bizzzzz! Elodie

A la radio de Radio-Canada ... y a des choses pas mal : par exemple cette entrevue radiophonique de Jean-Paul Daoust, en avril 2009 :

http://www.radio-canada.ca/emissions/christiane_charette/2008-2009/chronique.asp?idChronique=78759

Bonne écoute

Merci pour le lien Yvan!...

"A la radio de Radio Canada y jouent de tout’ pis ça j’aime ben ça" .....

J'me fais un café pis j'va m'détendre écouter ça! haha!

La plume est enfin sortie de sa valise de souvenirs pour vous offrir quelques impressions

On fait parfois des choix étonnants, à moins qu’ils ne s’accordent simplement à nos pas intérieurs. Quand j’ai pris connaissance des dates de la tournée de Fabiola, j’ai retenu en premier lieu cette soirée à Charleville-Mézières. De toutes les dates prévues, j’avais encore le choix de rester dans l’Ouest. Mais j’ai eu envie d’aller bien plus loin que mon bout de pays, comme pour suivre le chemin de la poésie et visiter d’autres « Ailleurs » . Quand la « poésie is glamour », inutile de vous dire que les kilomètres se font tout petits.

Cette soirée réunissant déjà Fabiola Toupin et Manu Trudel -deux sources d’inspiration- ne pouvait qu’être belle. J’allais découvrir pleinement Jean-Paul Daoust, poète « mis en lumière » durant cette soirée et je partais du principe que de ce trio, il ne pouvait ressortir que du bonheur et de l’Emotion, le bagage parfait pour « revenir d’ici ». Et effectivement, je suis revenue dans l’Ouest avec l’impression d’avoir pris l’air en dedans. Le voyage intérieur, l’« ailleurs « , le chant du cœur…la poésie!

Je n’ai pas compté le temps passé dans le train parce que les mots dansaient déjà dans ma tête, on appelle ça le Bon Air! Légère comme l’oiseau Lyre, j’allais me rendre à Trois Rivières de poésie et laisser mon coeur se joindre à elle à… Charleville-Mézières. « Terminus, Tous les voyageurs sont invités à descendre, assurez-vous de ne rien oublier dans le train ». Voilà, je suis Ailleurs. Tout poète percerait les nuages pour y trouver le soleil. Il faisait donc très beau, oui! Il pleuvait simplement des gouttes de joie de vivre et j’avais…show!

La capitale de la marionnette, est-ce vraiment à cela que je pensais?… Je vais vous le dire franchement, non. J’étais un peu comme dans la capitale de la poésie, en ces Trois-Rivières de Diamants dissimulés dans le regard. Mon ami de voyage (retrouvé en gare) et moi-même avons donc passé ‘les douanes’ pour le nid des oiseaux migrateurs. En poésie, on plane, le voyage a donc reprit de plus belle en un battement d‘ailes…

Toute l’après-midi, la poésie se rappelait à moi…était-ce la Bonne heure pour la soirée? Oui assurément pour moi, c’était bien le bonheur. Et quand le cœur bat la mesure à coups d’impatience, le temps passe très vite. A la nuit tombée, le Musée de l’Ardenne a déployé sa lumière pour nous offrir une atmosphère propice à cette soirée unique, au milieu des vestiges du temps passé. D’ailleurs, c’était quoi ces vestiges? Aucun de nous n’a pris le temps de les observer de près. Nous avons perdu les os…pour voir naître les mots. Eh oui, la poésie vit! Nous étions « Ailleurs », absorbés par la lumière qui se profilait en devant…

Durant la première partie, je me suis imprégnée de l’Atmosphère, bien trop incapable de recueillir en mes mains les mots des poètes ardennais. Mes oreilles ont d’ailleurs eu tôt fait de s’évader d’elles même… Tous les goûts sont dans la nature!

Les bons mots sont finalement arrivés, prêts à être cueillis et mangés. Les trois grands artistes tant attendus n’ont vraiment pas eu de mal à nous faire décoller sur Trois Rivières de mots magiques mêlant poésie et musique. Je suis restée suspendue au rythme des lèvres inspirantes de Jean-Paul Daoust… « lèvres mortelles ». En cette soirée, ces mots se sont pour ainsi dire révélés immortels au registre du cœur. Si l’on y ajoute la grande voix de Fabiola, celle de son complice Manu accompagné de sa guitare vibrante…nous avons trouvé l ’Harmonie, le voyage fort…Le parfait « Ailleurs », le bonheur.

Un texte fort de Jean-Paul Daoust me revient en lumière, à moins qu’il n’y soit resté. « Le vitrail  brisé »…les maudits maux que l’on extrait du dedans comme pour réanimer la Vie en soi. Tout en les prononçant, le poète faisait battre mon cœur de plus en plus fort. Et de l’obscurité à la lumière, ce grand homme m’a offert le plus beau soleil d’Espoir que l‘on pouvait trouver. Ses mots poignants ont tout brisés de ce côté de vitrail perdu dans l’obscurité. Je n’ai eu qu’à m‘évader « Jean Paul y é beau tout l’monde en veut un morceau » Oh oui, y’é beau dans son foulard qui brille, ça ne l’fait briller que plus!…quand tu t’arrêtes sur ses dites lèvres « mortelles » en comprenant que toi aussi t’es bien vivante, tu te perds dans ce sourire immense, celui du poète et le tien, plus fort que tous les obstacles. La musique, les voix, la poésie, tout en intensité…Merci la Vie!

« J’crois qu’Jean-Paul y é parti », Fabiola et Manu ont rejoint la capitale de la poésie. Ils habitent toujours mon cœur et leur intensité résonne telle une force tranquille au fil de mes inspirations. L’Ailleurs valait plus que le détour, ma plume refusait même de quitter sa valise de souvenirs, je me serai bien vu repartir à grandes envolées. Il me faudra attendre les beaux jours. Attendre? Du bon côté du vitrail, il fait beau tous les jours!…

Elodie

Merci Elo de nous faire revivre cette soirée magique, et encore une fois pour ne pas l'oublier :

Jean Paul, yé beau
Tout l'monde en veut un morceau
JAn ian ian iaaaaaaaaanean


Dany

Oui beaucoup d’argent,
Pour acheter du temps...

Comme dans la vie tout va lentement, tout s'éclaire .. lentement ! Je viens de lire "Prière New-Yorkaise" de Jean-Paul Daoust, et j'ai compris un bout de la chanson-hommage qui nous a tous frappés ce soir là, à Charleville-Mézières.

Je vous invite à lire ce texte assez fascinant, et qui me plaît beaucoup :

http://www.republique-des-lettres.fr/1021-jean-paul-daoust.php

Et peut-être à le commenter ?...

En tout cas voilà une soirée que je revivrai volontiers sans en perdre une miette ! (enfin la 2° partie ) !

Oui parce que la 1ère hein... euh...

J'aime les textes de Jean-Paul Daoust! Ils ne ressemblent à aucun autre...

Il suffit de les lire d'abord pour soi, puis à voix haute (au mieux, au show du poète) pour comprendre que dans ses mots, tout a une âme et un cœur! Quand on plonge dedans, c'est tout Jean-Paul qui nous habite... Tout en profondeur et en sensibilité...

"Ne venez pas me chercher comme un voleur
Mais venez me chercher seulement
Seulement
Quand j'aurai tout dépensé"

...Il va devoir attendre le 'grand patron', j'ai encore du show à vivre!... lol

Merci beaucoup pour le lien Yvan